Le poids des mots

Il n’est pas rare, pour parler d’une écriture défectueuse, d’entendre les termes « torchon », « sale », « écriture de cochon ». Parfois, c’est l’enfant lui-même qui emploie ces termes, répétant ce qu’il a coutume d’entendre au sujet de son écriture.

Il arrive également souvent que l’on pense que l’enfant qui écrit mal est fainéant, ne fait pas d’efforts, se décourage vite ; on se demande même s’il ne le fait pas exprès ! On lui fait donc recommencer son travail en lui demandant de s’appliquer et de ne pas rendre une nouvelle fois « un torchon ».

L’écriture est une part non négligeable de l’identité d’une personne. Personne ne souhaite donner une mauvaise image de soi-même. D’ailleurs, certains adultes entreprennent une rééducation de l’écriture parce qu’ils estiment que l’image que leur écriture renvoie ne leur correspond pas. Un enfant ne fait donc jamais exprès de mal écrire. Il n’est pas fainéant, il ne peut tout simplement pas faire autrement. Si, comme c’est presque toujours le cas, le problème vient d’une mauvaise posture et d’une tenue de crayon défectueuse, ainsi que d’un mauvais apprentissage initial, ce n’est pas en recopiant 100 fois sa leçon que quelque chose va changer. L’enfant a besoin qu’on lui apporte une solution et non qu’on lui répète qu’il pourrait mieux faire, voire pire, qu’on le punisse avec l’objet de sa souffrance : l’écriture. Ce qu’il produit actuellement, aussi étonnant que cela puisse paraître, est le mieux qu’il puisse faire. Oui, bien sûr, quand l’enfant prend son temps, quand il s’applique, il peut réaliser quelque chose de plus satisfaisant. Mais il n’est pas normal de devoir consacrer un tel niveau d’attention à la formation de chaque lettre et, surtout, il n’est pas possible de maintenir cette attention sur une tâche exclusive durant toute une journée de travail. C’est pourtant la prouesse quasi quotidienne qui est demandée à ces enfants.

En vérité, à la fin d’une journée d’école, l’enfant qui a du mal à écrire mériterait plutôt des applaudissements que des remontrances car c’est une vraie souffrance de ne pas réussir à écrire correctement. Il faut s’imaginer se voir demander de marcher ou de courir au même rythme que les autres alors que l’on a un caillou dans sa chaussure, avec autour de soi des personnes qui nous reprochent d’être vraiment trop paresseux. 

Un enfant en difficulté avec son écriture a besoin d’être soutenu, encouragé, délesté de certains travaux et surtout, d’être aidé.

Hélène Reymond

https://www.lesoindelecriture.com/